lundi 8 novembre 2010

Mes deux frères et moi, nous étions tout enfants.
Notre mère disait: jouez, mais je défends
Qu'on marche dans les fleurs et qu'on monte aux échelles.

Abel était l'aîné, j'étais le plus petit.
Nous mangions notre pain de si bon appétit,
Que les femmes riaient quand nous passions près d'elles.

Nous montions pour jouer au grenier du couvent.
Et là, tout en jouant, nous regardions souvent
Sur le haut d'une armoire un livre inaccessible.

Nous grimpâmes un jour jusqu'à ce livre noir ;
Je ne sais pas comment nous fimes pour l'avoir,
Mais je me souviens bien que c'était une Bible.

Ce vieux livre sentait une odeur d'encensoir.
Nous allâmes ravis dans un coin nous asseoir.
Des estampes partout ! quel bonheur ! quel délire!

Nous l'ouvrîmes alors tout grand sur nos genoux,
Et dès le premier mot il nous parut si doux
Qu'oubliant de jouer, nous nous mîmes à lire.

Nous lûmes tous les trois ainsi, tout le matin,
Joseph, Ruth et Booz, le bon Samaritain,
Et, toujours plus charmés, le soir nous le relûmes.

Tels des enfants, s'ils ont pris un oiseau des cieux,
S'appellent en riant et s'étonnent, joyeux,
De sentir dans leur main la douceur de ses plumes.

lundi 1 novembre 2010

Et d’abord on ne voit rien. Rien qu’un mur de casiers métalliques numérotés, rouillés : vestiaire, coffre-fort ou cinerarium. On ne voit rien, mais le bruit est déjà là, obsédant, rythmique, le bruit qui fait battre votre coeur plus vite, qui vous fait respirer en haletant presque. Et les seules couleurs sont alors l’ocre du mur rouillé et le vert métallique de la structure du Grand Palais. Ce n’est qu’une fois contourné cet obstacle entre le spectateur et l’oeuvre, cette chicane initiatrice, qu’on peut alors accéder à la couleur, à la multiplicité des couleurs des fripes qui ont envahi le hall : droit devant, la pyramide et cette pince rouge qui creuse et qui relâche, inexorablement, mordant de toutes ses dents dans les tissus. Le bruit de centaines de battements de coeur se mêle à celui du moteur qui actionne la pince, sourd et lancinant.

samedi 30 octobre 2010

Pas mal du tout. Je me demande si j'aurai mieux fait. Pourquoi se casser la tête ? La simploicité donne d'excellents résultats.

lundi 25 octobre 2010

De molles grosseurs, invasions sinistres et mouvantes d'un inquiet regard, tremblent aux portes des maisons closes dans le silence automnal des retours. Si l'on y adjoint une grappe de fleur, même les cotonneux pétales, chargés de senteurs fraîches qui apaisent les larmes, elle ne peut supporter l'atmosphère viciée et s'étiole.

Alors comment revenir à des sourires plus chauds ? La porte doit être fermement close, le chemin, long et aride, parcouru, sans un regard vers les rondeurs trompeuses et moelleuses entrevues, fièrement exhibées par une passion folle. Ne pas sombrer, ne pas s'illusionner, ne pas tendre une main frêle et tremblante vers ce qui eut pu être mais ne le peut.

dimanche 24 octobre 2010

Le vent avait chassé la pluie aux larges gouttes,
Le soleil s'étalait, radieux, dans les airs,
Et les bois, secouant la fraîcheur de leurs voûtes,
Semblaient, par les vallons, plus touffus et plus verts !

Je montai jusqu'au temple accroché sur l'abîme ;
Un bonze m'accueillit, un bonze aux yeux baissés.
Là, dans les profondeurs de la raison sublime,
J'ai rompu le lien de mes désirs passés.

Nos deux voix se taisaient, à tout rendre inhabiles ;
J'écoutais les oiseaux fuir dans l'immensité ;
Je regardais les fleurs, comme nous immobiles,
Et mon coeur comprenait la grande vérité !

mercredi 16 juin 2010

Ce que j'aime

Je lis, partout, ici, chez moi, dans les transports. Je lisais plus avant.

Ouvrir un livre. Entrer dans un autre monde facilement plus satisfaisant.

dimanche 13 juin 2010

Ce que l'on ne sait pas on ne peut l'oublier.

Dans la dorure ambrée d'une nuit silencieuse, branches doucement agitées d'un vent chaud, venu de la mer, le son des sirènes peut-être ou un écho du passé revient à moi comme un souffle - écho sinistre, pleurs mélancolique, amertume douceâtre. Je frissonne malgré la chaleur.

Si j'avance - pourquoi ? Mes jambes pesantes comme du plomb, je n'ai pas envie. La lumière de la lune m'effraie, tandis que les chiens sinistres se mettent à aboyer.

J'aurai voulu - je l'aurais, oh oui ! voulu. Est-il trop tard ?

Pour songer à des chemins autres, plus tortueux ; plus difficiles ? qui mènent à des chambres d'ombres, avec des rideaux indiens et des bibelots rapportés des voyages ; sans les commodités toutes proches, la cuisine et les bains ; l'ombre s'étendrait, sans le secours mièvre d'une technologie sournoise ; la solitude aussi, peut-être ; où sont les vraies gens ? Existent-ils ? les aurais-je trouvé ? L'eut-il fallu ?

Ces chemins. Aussi de vieilles rues de capitales européennes. Des discussions enflammées. Les discussions s'enflamment-elles ?

Il n'en est rien. Tout cela, fantaisies charmantes, amères pourtant, grinçantes. Retour. Stop.